Le voyage – Entre deux mondes
Ma tête survole les plaines de l’Alberta alors que je redescends finalement sur terre, après un passage à vide d’émotions et de peur je peux finalement ressentir le froid qui traverse le poil de mes bras pour ainsi se rendre jusqu’à mon cerveau : l’hôte de tous mes maux et de mes problèmes. L’accueil désastreux que l’on m’a fait en haut n’est rien à comparer avec ce passage incroyable et fantastique qui m’a permis de comprendre que la mort est transitoire, qu’il est un songe. Je ne ressens plus la peine qui m’a été infligée autrefois, je sens au contraire que je fonds dans la masse, et lorsque j’aurai traversé ses plaines historiques, je pourrai rentrer dans mon patelin pour contempler les oiseaux voler et le vent m’attaquer de plein fouet.
Mon visage morbide se redessine, je me rappelle de la personne qui en avait fait le portrait, son nom me parait fort flou mais je reconnais ses traits dans mes souvenirs qui sont tout aussi embrouillés par mon départ brusque vers l’au-delà. Et au-delà de l’appréhension que mon retour a su susciter, je recherche la désespérance que mon artiste m’a prodiguée. Je retrouve dans ce nuage qui se rapproche la personne qui me déteste le plus, et je sais maintenant que tout est fini, je peux me conter chanceux de pouvoir maintenant sourire de nouveau de toute la fausseté que j’ai vécue. J’ai disparu pour je ne sais pas combien de temps et je sais malgré tout que tout ce qui m’attends c’est mon départ de mon ancienne vie misérable qui ne m’apportait seulement que de malheureux évènements. Et si le sang qui coulait autrefois n’était que le signe que je me devais de quitter pour mieux revenir sous une toute autre identité? Et pourtant, je m’y reconnais encore un brin… Sans cette odeur de carcasse qui autrefois entravait mon nez des plaisirs fins qui m’étaient offerts.
J’ai dû parcourir bien du chemin pour me retrouver en si bonne posture après avoir évité la mort en la vivant. J’ai dû travailler sur moi-même, chercher pourquoi je me donnais autant de trouble, pourquoi je demeurais si dur envers ma propre personne qui ne faisait que se battre pour goûter à un petit quelque chose de plus spécial. J’aurai cependant prit un mauvais tournant et je m’aurai avoué vaincu bien malgré moi dans la tourmente du temps. Entre deux mondes, je redécouvre enfin pourquoi j’étais parfois considéré comme un érudit, une personne brillante qui obtiendrait une réelle chance de se faire valoir dans la vie. Et cette personne brillante n’y croyait plus, avait perdu tout espoir de se retrouver de nouveau parmi l’élite des gens plus ou moins heureux. Tous ces gens qui goûtent au bonheur sans le vivre. Moi je goûtais au malheur et le vivais dans mon fort intérieur, un fort intérieur qui valsait au son d’une seule voix qui ne lui voulait que du tort. Il a fallu me battre pour mon vécu, ma vie, mes inspirations, mes ambitions, mes rêves, mon cheminement, mes accomplissements passés/présents /futurs et tout ce que le reste comporte. Mon aura et mon énergie débordantes ne demandent plus qu’à quitter mon corps pour toucher le peuple devant moi, je veux maintenant guider les gens vers la vie telle que l’on ne la connait pas.
Je suis bientôt arrivé, je sens finalement mes rêves redevenir possibilités, je peux maintenant me permettre de ne plus me contenter de ma propre médiocrité et espérer le mieux pour les miséricordieux qui n’attendent qu’un simple messie, alors qu’ils le possèdent eux-mêmes dans le fin fond de leur âme. Chacun d’entre nous, porteurs d’âmes, ne demandent qu’à explorer nos personnalités connexes pour découvrir la réelle étendue de notre puissance, de notre potentiel infini qui peut s’échelonner sur un impact planétaire, ensembles, toujours.
J’attends impatiemment de survoler Montréal pour me diriger vers le Saguenay qui m’a recueilli en temps de crise. Le Cégep de Jonquière, également hôte de mes malheurs multiples, ne demande plus qu’à réobtenir celui qui autrefois voulait changer les choses dans la vie. Et je désire le redonner ce qu’ils m’ont offert, une chance ultime pour me faire valoir.
Mes amis et ma famille m’attendent aussi, mon cœur illuminé d’attente le ressent jusqu’au plus profond de mon esprit songeur et qui, auparavant, était trop perturbé pour contempler les bonheurs du soutien familial. Inquiètes-toi pas le frère, Marc n’est pas mort, il a simplement eu besoin de crever pour mieux ressusciter de ses cendres. J’entrevois la neige à travers mes vitres de lunettes craquées, et pourtant nous sommes en avril… Ah oui, j’arrive enfin au Saguenay afin de retrouver les gens que j’aime!
Je remets enfin les pieds bien ancrés au sol. Je réapprends progressivement ce qu’est la marche réelle, et je découvre une démarche nouvelle. Je gambade littéralement dans le stationnement et j’aperçois des voitures de toutes sortes. Je vois également celle à mon père, une vieille, très vieille voiture usagée. Celle à coté par contre est mal stationnée, une petite echo bleue, elle me dit quelque chose mais bon, à quoi bon se poser cette question futile?
Bien installé dans le couloir blanc et lugubre de l’hôpital, je regarde ces malades qui savourent les derniers moments de leur existence cloués dans un endroit trop peu accueillant. Les machines s’animent à mon arrivée, comme si une fanfare démarrait. Les sourires absents me confirment que j’ai entrepris la bonne voie, la voie qui me permettrait d’à nouveau humer l’air ambiant et si pur de notre belle boule bleue. Je goûte pratiquement la lasagne fantastique qui est servie aux patients. Ils semblent dégoûtés, mais ils ne savent pas ce qu’ils manqueraient, en haut. Ne plus goûter… C’est tellement horrible.
Mon voyage se termine presque, j’ai si hâte de voir mes parents heureux de me revoir. J’ai hâte de leur offrir mon premier vrai sourire en 1 an. Ahh, mon voyage qui m’a permis de me ressourcer et redevenir moi m’a tellement servi, c’est indescriptible. J’espère au moins ne pas les avoir trop inquiéter…
Mais comme il fallait s’y attendre, ce n’est pas en mourant une fois que l’on redevient quelqu’un. Les machines branchées sur le corps meurtri de Marc, les regards globuleux et vides des parents, de ses amis et de Marie-Claire – qui tient son porte clé… d’une echo bleue – confirment que tous ne sont toujours pas remis de la disparition du porteur d’âme. Celui-ci est toujours tout aussi vivant, mais il est désormais entre deux mondes, piégé par le manque d’espoir de ses proches qui sont sur le point de tout abandonner, désirant libérer la victime de ce supplice. Mais ils ne savent pourtant pas qu’il est là, attendant qu’on lui confirme que son cœur bat de nouveau à plein régime. Il est là, ce sont eux qui n’y croient plus.